Face à une proposition, il y a trois réponses possibles :
Oui,
Non,
et peut être qui signifie "non jusqu’à ce que ça change"
Le "oui plus tard" n’existe pas.
Il est dangereux.
Prenons une configuration polyamoureuse : A est en relation avec B et C.
A souhaite faire un truc avec C (par exemple, il veut découcher), C en a très envie aussi. A demande à B.
B répond "d’accord mais donnez moi du temps pour m’y habituer"
Et ben, ça veut dire non (plus exactement, peut être qui signifie "non jusqu’à ce que ça change").
Déroulons un peu le temps.
Imaginons que C ait pris B au pied de la lettre, à savoir qu’el était d’accord, qu’il fallait juste attendre un peu.
Au bout de trois mois, el demandera où en est l’accord, probablement avec un air de chien trépignant qui piaffe à l’idée de sortir parce que, enfin, son maître a sorti la laisse. "Dis dis, c’est quand que tu viens dormir chez moi, dis, t’avais promis, samedi prochain ? c’est bien, ça te laisse le temps de prévenir B ! "
Alors bien sûr, il y a le cas de figure favorable, où B a fait sur el le travail nécessaire pour accepter que A aille découcher avec B. Et donc, el sera heureuse de dire "Bien sûr, je te l’avais promis, c’est bon pour moi maintenant. Par contre, samedi, ça m’arrange pas ; tu veux pas lui proposer dimanche plutôt ? Et profitez bien, surtout".
Mais faut dire ce qui est, si ce type d’évolution existe, ça m’étonnerais que ce soit la plus courante.
On parle bien d’un truc qui est pas agréable pour B, et où el a voulu se donner du temps pour accepter.
Et de fait, B a toute les chance de se sentir lésé dans l’affaire.
Alors, quand les tourtereaux reviendront avec la demande, ça va faire mal. ça fait mal à deux niveaux.
La demande fait mal en elle même, comme trois mois au paravent. Y’a une boule, là, rien qu’à l’idée que B dorme avec C, qui vrille le ventre et empêche le cerveau de réfléchir comme il faut.
Et il y a, en plus, le souvenir qu’on a dit qu’on était d’accord, et donc l’impression qu’on doit se forcer pour tenir ses propres engagements.
Que faire ?
Se forcer, dire "Ok pour cette fois" ? Mais le coeur n’y est pas. A va le sentir, va probablement générer de la culpabilité, cette si mauvaise conseillère. B se sens trahi par son partenaire qui s’en va dormir avec un autre, et il est probable que C passe finalement un mauvais moment à devoir gérer les sentiments de A.
Marchander, grappiller du temps encore ? dire "C’est dur pour moi, là, j’fais un effort pour dimanche prochain, mais la prochaine fois pensez un peu plus à moi ! ". Et cette histoire de compromis sur les samedi ou les dimanche risque de devenir un point noir dans les discussions futures, parce qu’il porte non seulement ce qu’il est (à savoir que B aimerais bien garder les grass m’at des dimanches matin avec A), mais également toute la tension sur le fait même que A ait envie de découcher.
Est-ce mieux de commencer à marchander "Ok pour cette fois, mais en échange, tu passes la semaine d’après avec moi tous les soirs". ça veut dire qu’on commence à établir un système de valeur (un samedi avec C équivaut à une semaine avec B). Pourquoi pas. Faut juste pas se prendre les pieds dans les comparaisons que ça va générer (et un dimanche, est-ce que ça vaut moins ? Est-ce que ça veut dire que si A et C dorment ensemble dimanche au lieu de samedi, ils ont le "droit" de se voir le jeudi soir d’après au lieu d’avoir à attendre toute une semaine ? )
Dans les deux cas, il reste un gros risque que, deux mois plus tard, la même scène revienne, à peu près à l’identique.
En deux ou trois répétitions, j’estime que les jeux sont faits : soit B était au clair avec soi-même, et en effet, il lui fallait juste un peu de temps, et B a travaillé le truc suffisamment pour réaliser que c’était cool quand A partait dormir avec C parce qu’el revient heureux, disponible, la tête pleine de nouveautés à partager.
Tant mieux pour tout le monde.
Mais le cas inverse est souvent rencontré dans les forums. B a dit qu’el était d’accord, mais c’est toujours aussi dur. En fait, c’est même plus dur qu’avant, et ça n’a aucune raison de s’améliorer, puisqu’à chaque fois que A voudra dormir chez C, C sera de plus en plus impatient que cela se reproduise de façon sereine, tandis que B se sens de plus en plus délaissé. Nous avons là une situation pourrie qui risque de contaminer bien d’autres aspect de la configuration polyamoureuse.
Et si la réponse correcte à apporter était de répondre "non pour l’instant, j’aimerais bien être d’accord mais là, j’y arrive pas, je suis désolée de vous avoir donné cet espoir".
Alors oui, on se mange la déception de tout le monde dans la gueule. On se mange sa propre déception de ne pas avoir su changer comme on l’aurait espérer.
Mais on ne change pas sur impulsion des autres.
Il faut que le changement vienne de soi, de l’intérieur.
A et C en ont très envie ? Certes. On aimerait leur faire plaisir ? Certes. Mais ça change rien à la boule qui vrille le ventre et bousille le cerveau.
Et trois mois, six mois, un an ne vont rien changer à l’affaire, à part aigrir B et C, B qui aura l’impression qu’on lui laisse jamais le temps de "souffler", voire pire, qui aura l’impression que A et C agissent à son détriment, et C qui va en avoir marre qu’on lui dise "d’accord" pour que ce soit toujours donné en retard et de mauvaise grâce, et A au milieu qui cherche compromis après compromis à contenter tout le monde sans prendre parti et qui ne contente personne au final (comme l’a si bien décrit Vaniel au dernier café poly de aout)
Assumer qu’en fait, B n’est pas d’accord.
Et ensuite, assumer que A doit faire un choix (soit renoncer à dormir avec C, soit assumer que A et C dorment ensemble au détriment du confort de B.)
ça demande de la lucidité, et du courage, pour le voir, l’accepter, le dire, et enfin en tirer les conséquences.
Mon avis est que tout le monde gagnerait à cette transparence, à cette honnêteté, plutôt que de vendre du vent.
Et les fois d’après, même, veiller en amont à traduire le "je suis d’accord mais j’ai besoin de temps" par un "C’est pas possible pour l’instant. On reposera la question plus tard", et de pas prendre le "je suis d’accord" au pied de la lettre.
"Oui, plus tard" n’existe pas. C’est toujours "non, avec espoir que cela change peut être"
Vivre au présent, c’est également accepter les choses telles qu’elles sont aujourd’hui et ne pas se baser sur ce qu’on nous a promis qu’elles pourraient être plus tard pour construire nos relations…