Je suis allée voir ma grand mère hier.
Elle perd complètement la boule. Elle est pas méchante, mais elle détruit mon père. Pourquoi ? parce qu’elle ne veux pas aller en maison de retraite (c’est viscéral, elle a essayé, mais elle peut vraiment pas) et que du coup, comme on s’arrange avec des assistantes de vies pour qu’elle soit jamais seule, elle voit pas où est le problème.
Sauf que ma cousine sur place a déjà donné tout ce qu’elle pouvait, et que maintenant c’est mon père qui s’y colle, mais elle le pousse à bout...
Bref, c’est pas du tout de ça dont je voulais parler.
Je voulais parler du voyage jusque Amiens.
Comment je stressais d’avance de ce que j’allais y trouver, et que du coup, dans la voiture, plutôt que d’écouter nos musiques, on a commencer à discuter. Comme on sait faire, en mélangeant le sérieux et le drôle. Parler de ma famille, de la vieillesse, des mauvaises habitudes que l’on prend…
Je ne sais même pas comment on y est venu. Au sujet qui me tient tant à coeur. Celui où je quémande depuis des mois des phrases de lui, pour savoir comment il le vit....
Je l’ai eu.
Une heure de discussion sérieuse, avec le seul défaut qu’il ne pouvait pas me regarder, puisqu’il conduisait, mais sinon…
Je me sens la plus aimée des femmes.
Si j’ai retrouvé comment s’est venu.
Il m’a raconté que sa mère lui a encore parlé de moi en bien "avec l’auréole et les ailes" comme il dit. Que j’allais bien, que cela se voyait, que j’avais perdu du poids, etc…
Et lui d’ajouter que c’est ma vie, que j’en fais ce que je veux, même si ça lui fait bizarre. Qu’il me voit heureuse, bien dans ma peau, alors, il ne veux pas me mettre de bâtons dans les roues. (Il m’aime pour de vrai là !)
Il ne veux pas m’interdire, me donner son veto, parce que ce sont mes oignons et qu’il ne veut pas s’en occuper, ne veux pas en prendre la responsabilité (et il a bien raison !). Même si pour lui, cela reste important d’être un bon mari, un bon amant, c’est à dire fidèle.
Et puis, on en avait déjà parlé, il y a très longtemps, que l’on faisait ce que l’on voulait du temps où on n’était pas ensemble, du moment que l’on ne "volait" pas du temps à l’autre, que l’on ne prenait pas sur le temps normalement passé ensemble pour le donner à l’autre.
Alors oui, cela fait un sacré décalage avec l’image que je donne à la belle famille, où on me donne le bon dieu sans confession. Parce que oui, techniquement, c’est de l’adultère.
Mais on ne s’est pas marié pour rien.
Outre de vouloir vieillir ensemble. On s’est marié pour élever des enfants.
Et c’est ça l’essentiel.
On s’engage, à deux, sur la vingtaine d’année et plus où nos enfants auront besoin de nous. On s’engage à faire ce qui nous semble juste, à discuter ensemble de ce que nous faisons vis-à-vis d’eux, et cela quoiqu’il puisse se passer entre nous dans l’avenir...
S’il trouve que je déconne en tant que mère, il ne se gênera pas pour me faire entendre sa façon de penser.
Je peux être une mauvaise épouse, une mauvaise amante, mais pas une mauvaise mère.
Le reste, on fera avec.
Sans cette notion d’enfants, on pourrait éclater au grand jour comme un couple libre, envisager des cohabitations multiples ou autre, mais pour Rémi, le cadre social idéal pour les enfants, cela reste un papa et une maman qui s’aiment et vivent ensemble. Comme on s’aime et que l’on vit ensemble, on va pas embrouiller le schéma familial avec des trucs mal connotés au sein de la société…
Je l’aime. Et il m’aime.
Pas de la même façon, pas pour les mêmes raisons, mais c’est réciproque. On est plus dans le fusionnel, on est plus dans cette chimie. Mais vraiment dans l’échange et le partage.
Non, il ne m’a jamais demandé de sacrifier ma vie pour tenir le foyer. C’était le modèle de ma grand mère. Celui que ma mère a déjà refusé. Celui que j’ai piétiné, c’était mon modèle, cela n’a jamais été ce que me demandait mon mari !
Et cela parait disproportionné, qu’il m’ait fallu un adultère pour me rendre compte de cela. Que je ne voulais pas devenir mégère mais que personne d’autre que moi ne me le demandais. Mais pour une fois, je vais donner raison à ma mère : c’est le propre de l’inconscient et des actes manqués de paraître disproportionnés par rapport à la cause initiale…
Alors voilà.
Maintenant, il faut que j’assume mes actes. Je ne suis plus la petite gamine malheureuse qui tords ses mains, que se cache sous des vêtements informes et qui doute sans arrêt d’elle même. Oui, il est fier de ma liberté, qu’il a su révéler. Il en est même un peu jaloux, de se dire que lui, ne saura pas s’autoriser ce genre de liberté. Mais voilà. Je décide en mon âme et conscience et j’assume, les conséquences sur moi, sur notre couple, sur lui.
Réagir en adulte.
Je crois que j’ai vraiment de la chance.
Il y avait plein de scénarios possible, beaucoup étaient marqués par les drames et la haine. Et j’en ai pioché un d’amour.
Ce n’est pas le scénario idéal, car j’ai aujourd’hui un regret.
C’est celui de lui avoir dit (de lui avoir laissé deviner) qu’il s’agissait de Daniel. Car j’ai cassé quelque chose entre eux.
Oui, ils continuent de jouer entre eux. Ils gèrent le quotidien, s’arrange pour le game play, font les opérations nécessaires. Mais c’est comme un vieux couple qui ne s’aime plus tout à fait. J’ai cassé l’histoire entre leurs deux personnages, j’ai cassé leur role play. Ils s’étaient promis d’écrire, ensemble, les retrouvailles de leur perso. Retour aux sources. Ils avaient bien commencé. Et puis…
Rémi s’y essaye depuis ce fameux jour, depuis ce mardi 13 novembre. Et ça prend pas. Il n’y a plus l’inspiration, la volonté, le désir. J’ai tué ce désir là, celui que Rémi avait à jouer avec Daniel…
De leur jeu ensemble, je n’en aurais plus que les archives.
Il faut bien reconnaître l’amertume, parfois, quand elle se présente…