Les amours de Cendre

Je l'aime à en vivre (26)

jeudi 24 janvier 2013 à 15h08

C’est sorti comme ça, au milieu d’une tirade, hier ou avant-hier. Je lui ai écrit cela.
Je t’aime à en vivre.
Parce que non, mourir par amour, c’est pas ma façon de voir les choses, c’est pas très fnu.

Et ça lui a beaucoup plu.
Tant qu’il me l’a répété ce midi.
Je t’aime à en vivre.
Parce qu’au delà de la construction antinomique vis-à-vis de l’expression plus courante, il y a un art de vivre, que nous partageons : nous vivons par et pour l’amour, et c’est bien de vie et de plaisir dont il est question, et pas de douleur et de mort.

Plus j’en apprends sur lui, plus cela conforte mes convictions.
Ainsi, la première n’était pas tout en majuscule, mais normal, avec une majuscule à son prénom. Et c’est parce qu’elle s’est retrouvée perdue dans les limbes qu’il a fait un deuxième compte, un deuxième perso, et qu’il en a changé la casse...
De même, cette phrase de parodiste dans son statut, c’est de l’auto dérision. Cela ne pouvait être de lui. Et cette capacité à accepter, à faire sien sa caricature est appréciée parmi ses contacts.
Ainsi, il admet être maître du jeu chez lui. Sauf pour la déco. Quel archétype du couple normal.
Il passe plus de temps avec elle, ces derniers temps, elle a besoin de son soutien. Il est une classe de soutien !!
Ainsi, il admet que, comme moi, il s’impose des limites dans ses relations à l’autre même dans son couple. Que ce n’est qu’avec moi qu’il s’autorise à être plein, entier, à être lui. Ça fait drôle d’écrire au masculin ce que j’avais jusqu’à présent toujours pris à mon compte. Et c’est magnifique que cela reste ainsi entre nous. Que l’on ne souhaite rien de plus que cela, de garder la méta-confiance : la confiance que j’ai en la confiance qu’il a en moi, sur le fait qu’il sera toujours capable de relativiser face à ce qui le blesserait venant de moi.
Peut être l’extraconjugal* nous protégera de cela, de ces petites précautions que l’on fini tous par prendre vis-à-vis de l’autre.

Encore un truc à noter (je sais, c’est le foutoir, mais j’écris comme ça vient) ma réflexion sur le fait qu’une fois de plus, pour moi, ce n’est pas simple, ce n’est pas normal, ce n’est pas seulement MMM*. Une sœur, un parent, on l’aime par défaut, on l’aime sans s’en rendre compte et sans même l’avoir vraiment décidé un jour. Alors que nous deux, on s’aime par construction. Par la relation que l’on établit, toujours plus intime l’un avec l’autre.
C’est très agréable pour moi, de pouvoir le soutenir à mon tour, de le sentir heureux sous mes mains, se détendre et se tendre à nouveau, mais de désir cette fois, de le sortir de ses ruminations exacerbées qui ne sont que le reflet de sa fatigue.
Ça l’est moins quand, alors qu’il me réconforte à son tour, je prends conscience qu’il est aussi troublé que moi, parce qu’il a voulu se jouer du destin, qu’il a voulu imaginer un monde où les contraintes matérielles n’existeraient pas, où on pourrait se voir tout les jours. Et tout en sachant que ce n’est pas souhaitable, tout en sachant que c’est tout simplement hors du possible, ... nos gorges se sont serrées de concert…

Je t’aime.
Je ne l’avais jamais encore prononcé si fort. Dans la rue. Parce que tu partais, parce qu’il fallait que l’on reprenne chacun son chemin. Je t’aime.

...

La fin de l’amour fusionnel ressemble donc à cela, quand faire ce qui fait plaisir à l’autre devient une contrainte et non plus un élan naturel. Il sait que je n’aime pas quand il se déconnecte sans qu’il me l’ait annoncé. Aujourd’hui, soit il le fait, soit il s’en excuse par la suite. Peut être un jour le fera-t-il par habitude, puis pour avoir la paix.
Je vois pas en quoi nous serions (malheureusement) épargnés de ce type de dérive. On est obligé de l’accepter, ou alors de renoncer à la relation à long terme.
Mais c’est pas grave.
J’y veille avec assez de constance : je m’interdis de concevoir une seule contrainte vis-à-vis de lui. Je me répète, mais c’est très très important pour moi, et je sais qu’elles viennent de façon sournoises, avec ces arguments fallacieux du type « Tu lui dois bien ça ». Alors que vienne le plaisir, et la facilité. Nous verrons bien si un jour il faut revoir le contrat, mais l’absence de contrainte matérielle positive* me permet de prendre bien du recul sur cela. Cela n’implique que nous, et rien d’autre. Alors si la liberté n’est plus, la priorité sera de la rétablir, quitte à modifier encore notre relation.

Je te fais confiance.
Absolue.
Totale.

Je t’aime à en vivre.


* extraconjugal : C’est plus neutre qu’adultère
* Mathilde aime Manech, Manech aime Mathilde : Hé non, sur ce journal-ci, même caché, c’est pas sérieux de mettre l’expression en clair...
* contrainte matérielle positive : Nous avons surtout des contraintes matérielles négatives, c’est à dire qui nous freinent dans nos envies de nous voir, et pas de contraintes matérielles positives, c’est à dire des objets ou des responsabilités en partage.

-