Les amours de Cendre

Fâcherie

mercredi 15 mai 2019 à 09h42

Je me suis fâchée en traversant le faubourg St Antoine, ça c’est d’abord exprimé en « je ne comprends pas »
Il a aggravé la chose d’un « Je cite une certaine Cendre "les HSBC, il faut leur péter les genoux" ».

Il a donné mon nom civil en entier. Je me suis sentie sale et poisseuse.

On était passage du chantier. Je lui en ai surtout voulu de ne pas réaliser combien on était près de l’arrivée et qu’on aurait pas le temps de déplomber ça. Se rend-il compte ?
Je me répète : « je ne comprends pas »
Et comme il me ressasse ses histoires de planning, de dominants à faire tomber (dont on ne parlait pas jusque là : sait-il voir autre chose ?), je hausse le ton et je m’arrête, on est rue Moreau.
Mon énervement était-il visible avant ? peut être pas assez.

Il explique la citation : parce qu’un jour j’ai admis que oui, ce discours contre les HSBC existait, qu’il avait une certaine efficacité.
Je vois rouge : je n’ai jamais encouragé ce discours ! comment ose-t-il déformer ainsi mes propos !
Je rembobine : je lui demande même pas de se souvenir de nos précédents débats, mais juste d’entendre quand, 50 mètres plus tôt, je me suis clairement positionnée en oppositions avec "ceux qui distribuent les patentes de minorité".

Je cherche comment on a pu arriver là, mais je ne vois que la logique de mon exposé : j’exprimais mon désir que chacun puisse se revendiquer d’une minorité. Afin qu’une idéologie qui défende les minorités ait une chance de gagner les élections. C’était ça mon idée que je soumettais au débat du matin.
Quelle force gravitationnelle incongrue a pu faire virer ses paroles, complètement à mon rebrousse poil ?
Qu’est-ce qu’il n’a pas compris ? C’était pas assez évident que dans mon idéal, les HSBC aussi, pouvaient se sentir opprimés sur un aspect minoritaire de leur vie (végan ou poly, pour reprendre cet article dont on a déjà largement parlé ensemble ? )
Comme si ça faisait pas dix-mois mois qu’on débat de ces questions ensemble ?

Et pourtant, il y avait matière à discuter sans me hérisser !
Sur le fait que ma position (chacun peut revendiquer son oppression) était largement minoritaire dans le mouvement, qu’on avait pas de leader, pas de coordination, d’écrit. Oui, bien sûr.
On aurait pu aussi débattre du danger de reconnaître tout et n’importe quoi dans la case oppression.
J’aurais même compris s’il était parti sur l’autre de ses marottes : ces victimes professionnelles qui gagnent des procès (justice des foules comme justice institutionnelle) ; là je peux y voire un lien : défendre les minorités, c’est défendre toutes les victimes, et donc, de fait, améliorer les conditions d’abus de ces profiteurs.

Mais non, il est tombé dans son autre ornière, ces mégères qui veulent faire tomber l’HSBC, cet horrible dominant qui ne lâchera pas ses privilèges de lui-même. Et il m’a collé dedans.
Et j’avais l’espoir qu’écrire ces lignes me permettrait de trouver un lien, quelconque, une logique, une explication.
J’aurais été heureuse qu’il me dise que celles-là n’allait pas aider. Qu’elles étaient puissantes, organisées, que leur discours était bien rodé, etc… quitte à perdre une matinée, j’aurais préféré que ce soit à chercher comment contrer ce discours que j’abhorre tout autant que lui.
Mais je repasse les mots échangés, et je ne trouve rien de tel.

Au lieu de dire "elles", il m’a cité, moi.

Par quel cheminement de pensée passe-t-il pour imaginer que ça fait avancer notre débat de me citer ainsi ?
Faut-il que je l’aime pour ne pas exprimer immédiatement la grossièreté de son amalgame en rétorquant, ironique « Y’a qu’un HSBC pour divulguer une connerie pareille ! »
Mais non, j’en étais à me demander s’il y avait pas un second degré dans sa citation : elle était faussement approximative sur le nom : l’amalgame grossier était-il voulu (en mode approximatif lui aussi) ? Ai-je eu tors de le prendre tel quel ?
De ce que j’ai compris sur les mètres suivants et sa justification, non.
Il m’a réellement mis dans le même sac que ce type de militantes.

J’en ai les larmes aux yeux.

Et, je ne vais pas être charitable deux fois : j’espère qu’il s’en veut.
Parce que, toujours généreuse, je l’ai quitté en lui disant « je ne t’en veux pas ».
Je voulais pas que ça lui gâche sa matinée. Du coup, ça gâche la mienne.

Dix-huit mois de discussions, et sa vision des choses est toujours aussi binaire : y’a un sac, et toutes les militantes sont dedans, et il lutte contre toutes, car toutes l’attaquent du simple fait qu’il est HSBC. Pauv' chou !.
Il ne rajoute des précautions oratoires uniquement pour me faire plaisir et que j’arrête de bondir, mais il les place au petit bonheur la chance, pas toujours a bon escient.
L’expérience de ce matin m’indique qu’il a toujours pas compris qu’il y avait plusieurs féminismes, et que s’il voulait combattre la fraction qui l’obnubile, c’est en ciblant ses attaques, et pas en tirant sur tout ce qui bouge, accusant à tout va ses amis – dont moi – d’être de mèche.
Et non, le fait que la fraction en question utilise cette méthode (tirer sur tout ce qui bouge) n’est pas un prétexte pour l’imiter, au contraire : on devrait dénoncer ensemble ces pratiques !

La prochaine fois, peut être lui souffler dans les bronches, et lui expliquer que si la moindre militante l’agresse, c’est pas parce qu’il est HSBC et qu’on surévalue ses privilèges, mais bien parce qu’il est de ceux avec qui on a constaté l’échec des arguments ordinaires, et qu’on est contraintes de passer à une rhétorique supérieure face à une telle obstination à glisser éternellement dans les mêmes ornières sans finesses.

Juste, j’ai été mille fois plus tolérante que mes camarades.
Mais je suis à deux doigts de le déclarer définitivement obtus sur ces sujets.

Rogntudju, j’aurais préféré mille fois trouver une autre explication !

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