Mardi, c’était hier.
Ce jour tant préparé, tant redouté presque, tant fantasmé aussi. C’était hier.
Une chambre d’hôtel.
Journée de contraste.
Magique et banale, parfaite et décevante, pour ne pas dire sublime et amère.
Amère, la triste constatation de la réalité : nous sommes deux humains, et la synchronisation n’existe pas. On fait semblant d’y croire, comme tout le monde.
Décevante, car on ne pense pas à tout, on bute sur les petites contrariétés quotidiennes.
Banale dans la démarche, au point d’être reconnu comme tels par le réceptionniste, qui n’est pas à son seul couple dans l’après midi.
Oui, j’aurais aimé conserver mes illusions plus longtemps. Faire rejaillir le désir soudain, brusque et fantasque, né de trop d’abnégation. Tendre un peu plus la corde.
Mais quelque part, nous en étions là parce que cet arc là ne tenait plus la tension.
Et puis, trois mois, c’est déjà pas mal, comme défense. Je ne suis pas comme dans Fanfan, à vouloir trop prolonger ces préliminaires. Ceux ci ont de loin été les plus long que j’ai connu.
C’était bien le sens de la démarche : s’offrir un espace de liberté, où réaliser ce que les contraintes extérieures nous avaient jusqu’à présent empêcher d’exprimer. Une fois la tentation présente, nous ne pouvions nous y soustraire. Moi, je ne pouvais pas, en tout cas, rester une fois de plus dans la frustration, si plaisante soit-elle à posteriori.
Ainsi a-t-il tenu sa promesse, de me refuser, autant de fois qu’il le jugerais nécessaire, pour être sur que je le désirais vraiment.
D’un coté cela m’apparaît comme hypocrite, car ce consentement, il l’a eu bien avant, quand il a obtenu de moi de passer du « jamais » au « un jour ». Et bien plus pragmatiquement, quand j’ai commencé à chercher moi même la chambre.
De l’autre, je ne peux renier la valeur de ce geste, de ces paroles, à ce moment là ou les sens prennent si facilement le pas sur l’esprit. Il montre ainsi, encore une fois, sa retenue là où je n’étais qu’avide de sens. Chercher, à cet instant clé, le consentement de mon âme, au delà de la faiblesse du corps.
Sublime fut la détente, la première. Elle ne l’est pas toujours, loin de là, et on ne doit pas minimiser ce sentiment de plénitude, une fois les désirs assouvis. La liberté qui en découle, celle des gestes, celle des paroles, juste parce que cela nous vient à l’esprit. En roue libre. En partage.
Comme de bien entendu, les souvenirs de ces instants manque. L’esprit n’est pas à graver, il savoure. Et aucun historique ne permet de le réactiver. Tant pis, il me restera des souvenirs de souvenirs, des mémoires de sensations.
Je sais trop bien que désirer trop ardemment cette plénitude est le plus sur moyen de la faire fuir. Elle est sauvage et imprévisible. Mais elle reviendra, je le sais.
Magique la confiance que j’ai en cet homme, que jamais il ne trahi. Attentions, prévenance. Inquiétude aussi. Je me livre complètement à lui, avec franchise, sincérité, et sans ménagement, et jamais je ne l’ai senti dans l’abus, la manipulation, ne serait-ce que l’attente, puisque même ce que j’ai pris pour de l’attente, lui le percevait comme un don.
Bien sur qu’il a exprimé de l’attente, celle là même qui nous conduisit là. Mais sans jamais s’en cacher, et n’en jouer qu’à armes égales.
Oh, si c’était si simple à écrire ! Mais malgré mes réticentes, je me l’impose, pour y voir clair dans ma mélancolie.
La perfection de l’abandon. Celui du plaisir, de la surprise comme celui de la nausée, je lui aurais donné les trois.
J’abandonne, je ne saurais pas en dire plus ce soir. Tant pis
...
note : J’ai rayé sordide de ma liste d’adjectif, car il n’y a rien eu de sale ni d’infect. Je refuse cette clique sémantique.